Lorsqu’on accepte que la forme ne se définisse plus par la clôture, mais par la relation entre des éléments partiels, on entre dans une logique où la fragmentation n’est plus subie — elle devient structure. Ce n’est plus une figure brisée, mais une figure constituée par ses ruptures. Et dans cet écart entre les morceaux, quelque chose se stabilise : non pas une forme figée, mais un système perceptif actif.
L’œil, face à ces répartitions sans centre, ne cherche plus un point de convergence. Il se déplace, construit des liens invisibles, assemble ce qui est séparé. Ce sont des repères faibles, mais cohérents. Des échos entre densités, des orientations proches, des tensions formelles discrètes suffisent à générer une lecture stable. Il n’y a pas de contour unique, mais une circulation. Pas de modèle imposé, mais une structure ouverte.
Cette manière de concevoir la figure a un effet direct sur la manière dont le corps — ou tout observateur — entre en relation avec ce qui est proposé. Ce n’est pas une projection frontale, c’est une interaction fluide. Chaque segment, chaque intervalle devient une surface d’interprétation. On ne cherche pas à combler un manque : on apprend à lire ce qui est là, fragment par fragment.
Cette approche transforme aussi l’espace dans lequel elle s’inscrit. Ce n’est plus un contenant passif, mais un champ de tension. Les absences deviennent des zones actives. Elles ne sont pas des creux neutres ; elles modulent la perception. Elles attirent, orientent, suspendent. C’est cette dynamique, faite de relâchements et de reprises, qui rend la forme présente sans jamais l’imposer.
La fragmentation ici n’est ni décorative, ni accidentelle. Elle est principe. Elle propose une stabilité paradoxale : non par continuité, mais par agencement. Une stabilité qui ne repose pas sur un tout visible, mais sur une série d’accords partiels, ajustés en cours de lecture.